Voyage d'études HOE 2024

Du 18 au 22 mars 2024, les élèves de la filière HOE accompagnés de certains de leurs professeurs sont partis en voyage d'études !
L’usage de l’eau n’est pas sans conséquence, les nombreux aménagements réalisés sur les cours d’eau sont la cause d’aggravation des dommages humains et matériels provoqués lors de crues. Du 18 au 22 mars, les élèves de la filière HOE accompagnés de quelques de leurs professeurs ont eu l’opportunité de rencontrer les acteurs qui luttent pour la prévention des inondations, qui utilisent l’eau pour produire de l’énergie ou qui l'assainissent pour conserver une bonne qualité des milieux aquatiques afin de préserver les écosystèmes et de rendre l’eau potable à la consommation pour l’Homme.

Dangers. Responsabilités. Prévention. Adaptation. Résignation. Si il y a bien 5 mots qui ont fait office de fil rouge lors de ce voyage formateur, ce sont bien ceux-là. Arnaud Vincent, ancien élève de l’Ense3 et directeur de l’agence de Gap du bureau d’étude et de maîtrise d'œuvre Hydrétudes, a insisté on ne peut plus sur la nécessité absolue de prévenir les risques associés à l’utilisation de la ressource en eau, tout au long de son cycle d’exploitation. Les conséquences dûes à une mauvaise gestion de cette ressource vitale peuvent être mortelles. 

Risques naturels

Inondations et préventions


Les pluies torrentielles et la fonte des neiges sont les principales causes de la survenance des crues. On associe bien souvent une crue avec un débit d’eau très important. Pour autant il ne faut pas oublier que lors d’une crue, le cours d’eau transporte également une grande partie de matière solide ; il vit activement lors des crues. Ces roches, sédiments ou tout autre solide déplacés par la force de l’eau ont pour conséquence la déformation des lits des rivières. La création d'embâcles et le dépôt successif de matériaux en sont les causes. Mais l’usage de ces matériaux par le cours d’eau est nécessaire afin de dissiper son énergie. Un cours d’eau cherchera toujours à avoir en son sein des matériaux car s’il n’en trouve pas alors il érodera les berges ou le fond du lit. Le problème est donc complexe. Ces enjeux ont particulièrement été détaillés grâce aux explications d’un agent de la métropole de Grenoble sur le torrent des Jaillières à Meylan. Afin de répondre à ces problématiques l’Etat a décidé de confier aux intercommunalités la compétence de Gestion des milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations (GEMAPI). C’est au travers de la taxe GEMAPI payée par les habitants que ces intercommunalités réussissent à exercer cette compétence. La plupart du temps, les communes (maîtres d’ouvrages) font appel à des bureaux d’études (maîtres d'œuvres) car elles n’ont pas les compétences en interne pour réaliser les travaux nécessaires à la mise en place de la compétence GEMAPI. 
Maîtres d'ouvrages et maîtres d'œuvre collaborent dans un but commun : protéger les populations contre les inondations de la manière la plus efficace et optimisée possible, en intégrant les enjeux écologiques et environnementaux.
Les cours d’eau sont d’une importance capitale car la ressource en eau est vitale, c’est pourquoi l'État cherche à les protéger. Mais à l’échelle des communes le coût des travaux est très important et il est nécessaire de trouver un compromis entre efficacité de la solution et disponibilité des financements.
Les projets naissent la plupart du temps de constat de dégradation du milieux pouvant nuire à la sécurité publique. Par exemple l’incision progressive du Drac pouvait entraîner l’affouillement des berges, des chemins alentour voire même la rupture d’une digue d’un plan d’eau récréatif donnant naissance à une vague de submersion qui serait catastrophique. La réalisation des travaux en cours d’eau est également difficile, il est risqué de réaliser des travaux en période de fort débit, en période de pluviométrie élevée, ou encore en période estivale en dégradant l’expérience touristique. Les créneaux d’intervention et de travaux sont alors extrêmement tendus et les retards inacceptables. Tous ces défis, la Communauté Locale de l’Eau du Drac Amont (CLEDA) et la société GINGER les ont relevés et nous avons eu la chance d’assister, avec eux, à une visite de terrain le long du Drac à St Bonnet en Champsaur.

Les inondations, lorsqu’elles surviennent, peuvent provoquer dans les Hautes Alpes des dégâts majeurs. Il appartient donc aux organismes compétents de réagir. Dans un premier temps c’est la cellule de gestion de crise qui s’occupe de la situation avec pour objectif simple : Zéro Victime. Puis interviennent les autres parties prenantes pour sécuriser les zones à risques qui peuvent être des routes principales, des réseaux de tous types, des zones d’activité économique. C’est dans cette phase qu’interviennent les communes et les bureaux d’études. Le secteur des campings de Guillestre, fortement impacté par les crues de novembre 2023 a été l'occasion pour nous d’illustrer la puissance des crues torrentielles. Nous étions accompagnés par Vincent Arnaud et par un agent de la Com Com Guillestrois-Queyras à la compétence GEMAPI. 

Afin de s’assurer de la pérennité d’un projet, il est important de suivre et de mesurer son évolution. Ces retours d’expériences constituent de précieuses données d’entrée aux futurs projets similaires.

Glissement de terrain


Les reliefs des montagnes comme les cours d’eau évoluent dans le temps. Cela peut se produire à long terme mais également sur des périodes de temps très court. Il est alors nécessaire de savoir repérer les signes annonciateurs d’un glissement de terrain. En effet les millions de mètres cubes de matières se déplaçant peuvent engendrer des conséquences dramatiques : 

-    victimes humaines,
-    destruction d’habitations,
-    fermeture de route,
-    création d’un obstacle à l’écoulement de la rivière en aval se traduisant par la formation d’une grande retenue d’eau vouée à rompre.

Au cours du séjour nous avons eu l’opportunité de visiter un site de glissement appelé le “glissement du Pas de l’Ours” situé dans le Queyras. Durant cette visite, nous avons été accompagnés par Damien RAJON qui est le responsable ingénierie des travaux et des études du département des Hautes-Alpes. Le glissement est apparu rapidement et a nécessité la fermeture de la route principale et parallèlement, la mise en place d’une route de secours. Il a donc été question de la complexité de créer une route sur l’autre versant, exposé au sud, avec des pentes fortes, étant la seule route d'accès à une zone touristique. Le glissement ayant lieu en montagne, il y avait également la contrainte de la neige avec laquelle les entreprises de travaux ont dû prendre en compte. Le glissement ne pouvant être arrêté, les habitants des zones concernées ont dû apprendre à vivre avec pendant près de 2 ans. 


 

Le traitement des eaux usées

Les eaux usées sont perçues comme sales, malodorantes, polluantes : personne n’en veut. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les déverser dans le ruisseau le plus proche ou bien les laisser ruisseler chez le voisin qui vous empêche de dormir à trois heures du matin du fait des basses qui font vibrer vos murs. Là encore, puisqu’aucun individu n’a d’intérêts à s’en charger seul, c’est au collectivités, à l'État, que revient cette tâche. Les collectivités (financeurs) ouvrent des appels d’offres permettant à des entreprises spécialisées de se positionner sur ces projets. Il en existe de divers types afin de s’adapter à la répartition géographique des habitants et à la topographie. Les plus classiques, celles avec les grands bassins de clarification permettent de traiter les rejets de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. C’est le cas, par exemple, de la station d’épuration des eaux usées (STEP) située à Montbonnot-Saint-Martin et exploitée par Véolia que nous avons eu la chance de visiter. Dans ce type de station, les principaux processus de traitement sont les suivants : 
-    Dégrillage
-    Dessablage
-    Décantation
-    Traitement biologique et clarification

Nous avons également eu l’opportunité de visiter une station d’épuration d’altitude à Freissinières située à proximité du parc national des Ecrins. Le froid, la neige et le manque de surface disponible peuvent nuire au fonctionnement d’une station classique, c’est pourquoi en montagne un autre dispositif plus compact et à l’abri de l’extérieur  a été mis en place. Le bon fonctionnement ainsi que l’exploitation de la station est donc assurée. 

Imaginez. Vous roulez sur l’autoroute lorsqu'une pause s’impose. En sortant de votre petite 306 sur l’aire de repos (et non pas un SUV de 2 tonnes, bien sûr), vous observez le paysage avec vos compagnons. Derrière les barrières, vous contemplez des jolis petits champs de roseaux, vous imaginez des mignons petits êtres vivants pataugeant dans une petite mare toute aussi mignonne. Et bien vous êtes actuellement à côté d’une station d’épuration à filtres plantés de roseaux ! Vous vous souvenez alors d’un article à ce sujet et vous essayez d’expliquer son principe à vos compagnons. Cette technique consiste  en le déversement des eaux usées dans des bacs remplis de sable, de graviers, et de roseaux. Elle est idéale pour le traitement des eaux produites par un petit nombre de personnes, pouvant généralement encaisser jusqu’à quelques centaines d’équivalent habitants (eh), voire une paire de milliers d’habitants. Votre compagnon de route, qui a également lu la même revue que vous, vous rappelle ses principaux avantages : c’est simple, ça ne consomme pas d’énergie pour fonctionner, seulement la gravité terrestre, ça ne dégage pas ou peu d’odeur gênante et en plus c’est éco-responsable. Enfin, le caissier à qui vous avez acheté votre pique-nique, se plaint de la place que prend cette station d’épuration. En effet, les besoins surfaciques de ces ouvrages sont importants, de l’ordre de 5m²/eqhab, c’est pourquoi elles sont utilisées dans des localisations où la densité de population  est faible. Durant le voyage d’étude nous ne nous sommes pas arrêtés sur une autoroute pour en observer une mais plutôt à Saint-André d’Embrun où est disposée une telle station de 250 eh également exploitée par Véolia.

L’eau comme ressource énergétique

Les chutes d’eau telles que les cascades sont fascinantes. Les remous et le bruit générés par l’eau turbulente sont les signes qu’elle contient beaucoup d’énergie. Quelle ingénieuse idée d’exploiter cette énergie pour produire de l’électricité. 
Au cours de ce voyage nous avons eu la chance de visiter la nouvelle centrale hydroélectrique de Livet et Gavet mise en service en 2020 qui est exploitée par EDF. Équipée de 2 groupes opérationnels, la centrale est capable de turbiner 41 m3/s pour une hauteur de chute de 280 m soit une puissance de 97 MW. Sur l'année, elle subvient aux besoins en électricité de 240 000 foyers. Cette centrale a permis le remplacement de 6 anciennes afin restaurer et de renaturer la Romanche à son état naturel. La réalisation de cette centrale relève d’une grande complexité. La création de la conduite d’amenée d’une longueur de 10 km sous le massif de Belledonne avec des tunneliers ou encore la création à l’explosif de la galerie où sont installés les alternateurs relèvent de prouesse technologique. On peut également citer la présence de dissipateur d’énergie sous forme de machine à laver à la sortie de la centrale ou bien du circuit de pompage à l’intérieur de la galerie qui évite à la centrale d’être noyée mais également des protections mis en place sur la montagne pour se prévenir des chutes de roche. Tant de détails technologiques qu’il a fallu penser, créer et mettre en œuvre. Au total c’est 400 millions d’euros qui ont été nécessaires pour financer cette installation au cours de 10 années de chantier.
Il existe également des centrales hydroélectriques de puissance inférieure. C’est le cas de la centrale à Mizoën exploitée par EDF qui est dotée d’une puissance de 3.3 MW avec une hauteur de chute de 60 m, que nous avons aussi pu visiter.

Conclusion :  l’eau démasquée

Finalement ce voyage a été l’opportunité pour les élèves de la filière HOE de découvrir un panel de métiers très intéressant liés à la gestion des aménagements hydrauliques. Les ingénieur.e.s que nous avons pu rencontrer nous ont partagé avec passion leur quotidien, durant lequel iels œuvrent de toutes leur ingéniosité pour répondre aux défis de la gestion de la ressource en eau.  Nous tenons donc à les remercier grandement. La nature est très puissante et il faut apprendre à rester humble face à elle. L’eau, en particulier, nous est très utile et pourtant elle peut être à la source de grands désastres, et c’est dans cette complexité que réside le travail de l’ingénieur·es.