Ayssar : la recherche comme antidote à la routine

Ayssar Serhan, doctorant de dernière année encadré par Jean-Michel Fournier et Estelle lauga-Larroze du laboratoire IMEP-LAHC, a reçu le prix du meilleur papier étudiant, parmi 131 concurrents, lors de la 13ème conférence Newcas qui s’est tenue à Grenoble du 7 au 10 juin 2015. Cette conférence est un évènement de renommée internationale qui attire des chercheurs du monde entier en microélectronique et en systèmes de communications. Elle est organisée alternativement une année sur deux au Canada et en Europe. Cette année, elle s’est déroulée pour la première fois à Grenoble.
Ayssar travaille sur des applications destinées à la prochaine génération de télécommunications, la «5G », et à l’optimisation des performances dans ce domaine. L’article, qui peut potentiellement intéresser le grand public, explique comment l’on peut réduire la consommation de ces systèmes et donc augmenter l’autonomie en termes de téléphonie tout en conservant la même qualité de débit.

Peux-tu nous parler de ton parcours avant la thèse ?


"J’ai fait ma première année de master au Liban, mon pays natal. Ensuite j’ai obtenu une bourse de la Région Rhône-Alpes pour faire ma 2ème année en Master nanoélectronique et nanotechnologie (NENT), co-habilité par l’UJF et Grenoble INP. Etant très bien classé, j’ai décroché une bourse ministérielle. J’ai fait mon stage de Master Recherche au sein du laboratoire TIMA.

Au Liban nous faisons nos études en français et il existe une excellente relation avec les laboratoires grenoblois. Beaucoup de professeurs du labo vont donner des cours au Liban. Grâce à ces partenariats, des élèves comme moi arrivent à venir ici. Il est vrai que, là-bas, nous n’avons pas les mêmes ressources : nous ne pouvons pas aller si loin dans la recherche et l’expérimentation de théories."


As-tu toujours voulu faire une thèse ?

"Oui, je me suis toujours destiné à faire une thèse. J’avais plusieurs propositions de sujets et j’ai choisi de travailler sur la radiofréquence à l’IMEP-LAHC. C’était le chemin le plus sûr tant pour la bourse que pour le choix de sujet.

J’ai toujours voulu faire de la recherche pour ne pas tomber dans une routine. Quand tu es ingénieur dans une entreprise, la priorité c’est de produire, et lorsque l’on rentre dans un cycle de production ce n’est pas facile d’apprendre des choses nouvelles. En doctorat, tu as la chance de faire ce dont tu as envie, dans un contexte bien défini, où tu acquiers des compétences et fais évoluer les autres."


Et qu’est-ce qui te plait dans le doctorat ?

"Aujourd’hui, je suis en 3ème année de thèse, j’ai pu participer à de nombreuses conférences aux Etats-Unis, à Grenoble et même au Liban. Je trouve que c’est l’un des avantages de la thèse : grâce à ces conférences et colloques, nous avons l’occasion de valoriser notre travail et de rencontrer nos homologues. Si j’étais salarié d’une entreprise, je ne pense pas que j’aurai le temps de faire des conférences : c’est le privilège de vivre une expérience de recherche. J’ai pu faire beaucoup de choses que je n’aurais pas pu découvrir si je n’avais pas fait de thèse, notamment les voyages et la découverte d’autres cultures lorsque l’on se rend à des conférences.

En doctorat nous « gagnons » l’esprit du chercheur, on apprend une méthodologie : savoir où il faut chercher, quelles sont les sources « de confiance », trouver quel est le chemin le plus court pour résoudre un problème. La thèse requiert pas mal de compétences en gestion de projet également.

En parallèle, j’enseigne à Grenoble INP – Phelma depuis 3 ans. C’est un plaisir de former des gens. Je trouve que dans cet exercice nous mettons en œuvre nos compétences : la communication, gérer les conflits, identifier les élèves qui ont des soucis ou des points faibles. Je pense que le contact des doctorants est également intéressant pour les élèves : nous n’avons pas tant de différence d’âge et cela les motive, leur montre que c’est possible.

Par ailleurs, les thésards sont souvent proches de l’actualité et voient quels sont les challenges d’aujourd’hui. Nous faisons travailler les étudiants sur des sujets très actuels et pouvons donc leur passer les compétences requises maintenant et non seulement du savoir théorique. Lorsque l’on travaille dans le domaine des nanos, on est obligé de se maintenir à la pointe de l’actualité."


Et après la thèse ?


"Après ma soutenance en septembre, j’ai un CDD de 3 ans au CEA et je resterai vacataire pour les cours, notamment pour ne pas faire de rupture dans le programme pédagogique."

Si tu avais un message à faire passer aux jeunes élèves ingénieurs ?


"Je dirai que globalement nous manquons de chercheurs. Malgré de multiples formes de financement possibles, beaucoup de jeunes se dirigent directement vers l’ingénierie pour l’attrait financier. Ce que je trouve dommage. Beaucoup d’entreprises vivent, en partie, grâce à la recherche en laboratoire. Elles ont donc besoin de chercheurs. Les entreprises doivent prendre conscience de cela et réduire le découplage entre industrie et recherche.

Tout le monde n’est pas fait pour faire une thèse, bien entendu. Mais ceux qui sont curieux et veulent vivre une expérience multiple dans plusieurs dimensions, apport scientifique, mais aussi personnel, je les encouragerai à faire une thèse pour voir si la recherche leur plait ou non."


Quel est ton ressenti sur l’écosystème grenoblois ?

"Surtout dans notre domaine, les nanotechnologies et la nanoélectronique, Grenoble est la 1ère ville française en termes de ressources matérielles et de compétences. Avec notamment STMicroelectronics, le CEA, le
LMGP, Grenoble INP et l’UJF, Grenoble constitue un environnement complet pour ceux qui souhaitent travailler dans le domaine des technologies avancées.

Par ailleurs, Grenoble est une belle ville et sa taille modeste fait qu’elle est facile à comprendre, contrairement à Paris."


Merci !